A la Grande Bibliothèque du palais, Zozime préférait celle du Serapeion où l'on conservait des textes plus rares, en particulier dans le domaine de l'Alchimie à la fois opérative et spirituelle.
A en croire Suidas et ses autres biographes, c'était un homme à la fois attachant et distant qui ne laissait pas indifférents ceux qui avaient la chance de l'approcher.
Il racontait qu'il avait vécu un temps dans une tombe de Ro Setaou, la nécropole de Memphis. Dans le silence parfait de cette demeure d'éternité, il était remonté très loin dans les mémoires des trois corps momifiés qui occupaient encore les lieux. Ces créatures étaient des métis à la limite de l'hybride. Leurs corps, qui avait été autrefois emmaillotés dans des bandelettes de lin, étaient couverts de scarifications qui leur donnaient une apparence d'écorce. Zozime savait que les arbres jouent un rôle important dans l'Art de Thot-Hermès, en particulier le sycomore, le cèdre et quelques essences provenant des forêts humides du centre de l'Afrique. Les trois compagnons le mirent sur la voie du succès.
Dans les parties souterraines du Serapeion étaient conservés des appareils indispensables à l'Art chymique. Zozime s'ingénia à les remettre en état et même à les perfectionner. Certains dataient du roi Snéfrou, père de Khoufou, qui avait par tous les moyens favorisé la production d'or mussif. D'autres venaient de sanctuaires aujourd'hui disparus.
Zozime recrutait ses assistants dans les gargotes qui pullulaient autour des deux ports d'Alexandrie. Il avait besoin de gaillards illettrés et n'ayant pas froid aux yeux car, des athanors, pouvaient surgir des créatures façonnées par une évolution à rebours ayant défié toutes les lois de la Nature.
Zozime, lui, ne craignait rien d'autre que la banalité d'un quotidien sans surprise. Il vivait dans l'empire des métamorphoses, incarné par un Basilic qu'il avait créé de toutes pièces. La nuit, il rodait dans les couloirs du Serapeion en compagnie d'entités capables de faire reculer la mort et de briser l'éternité linéaire.
En s'immergeant dans la pratique assidue de l'Art Royal, il ne se doutait pas qu'il se lançaitdans une navigation au long cours menant bien au-delà des rivages de la capitale ptolémaïque. Il ne s'agissait plus de cabotage mais d'une traversée de la Mer Philosophale et de ses flots mercuriels. Personne ne sort indemne d'un tel périple mais le jeu en vaut la chandelle. Un Jeu d'Enfant, écrivit Michael Maïer qui avait étudié tous les écrits de Zozime.
Les traités de ce dernier sont rédigés dans une langue à peu près inaccessible. On est méchant, jaloux, disent les adeptes, qu'avec les putois trop curieux et cupides. En les déchiffrant, le dialogue devient double et les images finissent par se substituer aux mots.
Après sa mort, le corps de Zozime Prince des Philosophes fut ramené à Akhmin et inhumé dans la partie du sanctuaire consacrée à Isis, devenue ici l'épouse de Min et la Mère des Philosophes. La tombe n'a jamais été retrouvée. Michael Maïer prétend que les Philosophes du feu ne meurent pas car ils vivent dans le nid du Benou-Phénix.
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