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PSYCHONAVIGATION



Nous allons nous embarquer dans une image tirée du Livre de la sortie à la lumière de Nakh, XVIIIe dynastie, un des plus beaux exemplaires de ce type de recueil, conservé au British Museum.

Une de ces images qui nous permettent d'aller dans les zones de notre conscience que nous avons rarement l'occasion de solliciter.


Si nous nous mettons dans la tête d'un Egyptien de l'époque de Nakht, cette icône est familière car il y repère immédiatement un bateau. Or, toute sa vie, il s'est déplacé en bateau sur le Nil, rien donc de très insolite.

Dans l'au-delà comme sur la terre, on navigue sur un fleuve bien figuré sur l'image par les lignes ondulées sur un fond bleu.

Par ailleurs, pour les Egyptiens, les dieux aussi voyagent en bateau.

Le mot skdj signifie naviguer, voyager et aussi conduire un rituel.


Qui sont les dieux embarqués sur cette nef ?


Au centre, assis sur un trône se trouve une entité divine momifiée à tête de faucon horien couronnée d'un imposant disque rouge. Ses deux bras sortent de la gaine des bandelettes et tiennent un sceptre Was.

Il semble être le maître de ce bateau, les autres étant les membres de son équipage.

Compte tenu du contexte du livre, nous savons que nous sommes dans l'au-delà, dans un milieu qui n'appartient ni à la terre ni au monde visible ordinaire.

Il s'agit de Rê dans sa forme nocturne, celui que l'Hermétisme nomme le Soleil Noir traversant les 12 heurs de la nuit.

Pour les Egyptiens, une journée est faite de 24 heures divisées en 12 heures de jour et 12 heures de nuit.

Métaphoriquement, les heures du jour sont celles de la vie sur la terre, les heures nocturnes celles d'une infra-existence dans l'au-delà.


Les deux correspondent à un cycle complet de manifestation vitale avec une période d'occultation complémentaire.

Pendant ce temps se prépare une possible et nouvelle période de manifestation.

Nous sommes dans ce que l'Alchimie nomme la phase NIGREDO, présente au début de l'Œuvre, qui se terminera par la phase RUBEDO ou Œuvre au rouge, annoncée ici par la couleur du disque sur la tête du netjer.

L'alchimiste travaille dans un Vase nommé aussi Nef ou Bateau.


Si vous voulez découvrir le périple du Soleil Noir dans la Douat, il faut étudier un des plus hermétique corpus funéraire du Nouvel Empire, les Litanies du Soleil, que l'on trouve en version abrégée dans les tombes de Thotmès III et de Séthy Premier.

On y suit, pendant les 12 heures de la nuit, les 75 transformations d'une matière tour à tour noire et lumineuse aboutissant à la fusion entre Rê et Osiris. Un vertigineux traité d'alchimie.


Le passage par les 12 heures de la nuit est un retour au monde archétypal, le NOUN pour les Egyptiens.

Descente dans les profondeurs d'où nous sommes sortis et où nous revenons afin de renaître, d'entamer un autre cycle de manifestation.

On comprend mieux alors la présence des deux divinités qui se tiennent par la main à l'avant de la barque.


Khépri est reconnaissable au scarabée qui lui sert de tête.

Khépri : retour à l'origine, transformation, mutation, forme en devenir, discernement des possibles, symbiose avec un univers en permanente évolution qui ne peut continuer à être que parce qu'il se transforme en continu.


Il est en compagnie de la déesse MESKHENET portant sur la tête une brique d'accouchement.

Meskhenet est justement le nom de cette brique. On peut aussi traduire ce mot par l'endroit où l'on se pose.

Sur sa tête, cette brique est parfois remplacée par un signe à double spirale identifié à un utérus.

Le nom hiéroglyphique des Mammisi des temples, lieu de naissance des enfants divins, est SET MESKHENET, la place de Meskhenet.

L'habile, l'efficace Meskhenet préside à l'enfantement et fait naître ce qui était dedans.

Un peu plus loin dans l'au-delà, on la retrouve dans la scène de la Kérostasie où elle joue le rôle du Destin.

On dit aussi que Thot grave sur la brique de naissance la date de la mort du nouveau-né.

A Dendera, Meskhenet est décrite comme la disciple, voire la fille de Thot.


Un THOT est justement placé à l'arrière de la barque dont il manie le gouvernail, jouant le rôle du pilote qui dirige et gouverne le bateau.

En Alchimie, gouverner signifie passer d'un régime à l'autre.

Bien gouverner un navire et empêcher que la rame-gouvernail ne se brise dans les tempêtes est un moyen pour devenir Imakh, un être bienheureux et lumineux.

Dans le Livre des morts, le défunt voyageur affirme que le pilote est son cœur JB.

Rien d'étonnant, JB est la mémoire, l'intelligence de Djéhouty.


Quel est cet objet qui pend à la proue, près du sceptre de Meskhenet ?

Un filet qui rappelle que ceux qui ne peuvent se libérer sont pris dans le piège d'une matérialité condamnée à disparaître.

En alchimie, le filet ou rets subtil est le hiéroglyphe d'une Conjonction réussie.



Une question reste en suspens : pourquoi Nakht, le défunt voyageur, n'est-il pas dans cette barque ?

Pour le savoir, il faut examiner la vignette qui précède celle que nous venons d'étudier.

Ici, Nakht est le seul membre d'équipage d'une barque identique à celle que nous venons de décrire.

Elle contient l'énorme tête du Soleil Noir.

Nakht, armé d'une perche, fait avancer l'embarcation.

N'oubliez pas, personne ne ramera pour vous dans l'au-delà et personne ne peut prendre en charge votre devenir spirituel.

S'il existe des dieux, ils sont derrière vous, ils suivent et ne dirigent jamais les opérations.

Les Egyptiens prennent en main leur destin post-mortem comme Meskhenet prend la main de Khépri.

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